La vie à cent à l'heure de Marie Bouchard
Interne en médecine et athlète de haut-niveau, Marie Bouchard est une sportive bretonne aux multiples casquettes. Promise à grand avenir sur 3000 m steeple, ses blessures l'invitent à prendre un virage sur marathon, moins risqué pour son tendon. À la veille des Jeux olympiques de Paris, Marie se blesse de nouveau, freinant ainsi ses espoirs de qualification. Rencontre avec une athlète persévérante aussi à l'aise dans ses baskets en compétition qu'à l'hôpital.
Marie découvre l'athlétisme derrière les portes du collège, en participant aux compétitions de cross-country pendant un échange scolaire, en Angleterre. Elle y prend goût. De retour en France, la jeune bretonne, alors âgée de 11 ans, s’inscrit au club d’athlétisme de Paimpol, où elle est originaire. La machine est lancée. “Je n’ai plus jamais arrêté. J’ai continué avec de l’heptathlon. Je faisais de tout, je touchais à tout. Dès que je m'inscrivais à une compétition, je m’entraînais sur le maximum de disciplines possibles.” Sportive dans l’âme, elle poursuit son parcours avec la danse classique et la natation. Elle y apprend l’endurance et la coordination. La jeune athlète choisit finalement de troquer ses pointes de danse par ses pointes d’athlétisme. “J’arrivais boueuse aux cours de danse, c’était plus trop mon truc.”
Béatrice Ceveno la prend sous son aile, au sein du club d’athlétisme de Paimpol. La costarmoricaine y rencontre Noémie Claeyssens, une source d'inspiration, pour qui elle se lie rapidement d’amitié. Après le lycée, Marie intègre la section athlétisme de l’Université Bretagne Occidentale (UBO) aux côtés de Laurent Le Bras, son entraîneur actuel. Ses études sont l’occasion pour elle d’intégrer l’Université de San Francisco. Elle rejoint une équipe multiculturelle féminine, avec qui elle reste proche. Cette période est propice à l'entraînement, et au repos. “Aux États-Unis, tout est optimisé, tout est fait pour progresser.” De retour en France, la Paimpolaise est heureuse de retrouver l'aménagement d'infrastructures par l'UBO mais regrette le manque de moyen financiers dédiés au sport dans l'hexagone. La culture du sport n'est pas encore assez démocratisée. "Ici, le sport n’est pas encore intégré dans les mœurs. Les repas conviviaux sont sacrés mais le sport devrait être comme un repas. Tout le monde devrait prendre 30 minutes par jour pour faire du sport.” Elle rejoint les déclarations de Teddy Rinner et Florent Manaudou qui affirmaient très récemment encore que la France n’est pas un pays de sport.
3000 mètres steeple l’été, cross-country l’hiver
Depuis son séjour aux États-Unis, une blessure au tendon ne la quitte plus. En 2020, elle se fait opérer. Un an passe avant qu’elle ne porte à nouveau un dossard. Spécialisée dans le 3000m steeple, la discipline devient trop risquée pour son corps. Marie doit faire une croix sur ses objectifs. Persévérante, elle ne veut pas pour autant abandonner son rêve olympique. “J’ai pensé que le marathon était plus accessible. C'est moins risqué pour le tendon. Qui ne tente rien n’a rien !” En 2022, elle remporte haut la main le titre de vice-championne de France sur le semi-marathon. Après trois participations à des marathons, son objectif est d’éviter un écueil en repoussant le “mur” qu’elle a connu à deux reprises. En janvier dernier, alors en pleine préparation du marathon de Séville, au Portugal, elle se blesse de nouveau au tendon. Le résultat de son IRM est sans appel : une fissure sur le tendon apparaît à l’image. Après des semaines de convalescence, la licenciée de l'Iroise Athlétisme reprend progressivement la course. Obstinée, elle espère pouvoir participer à un semi-marathon en septembre prochain et participer à plusieurs compétitions cet été.
Mais sa madeleine de proust, c’est le cross country. “C’est une compétition qui m’a toujours fait rêver, depuis que j’ai commencé l’athlétisme. Je ferai les sélections tous les ans”. Au cours de l'année 2022, elle a brillamment remporté le titre de vice-championne sur les championnats de France de cross-country. En décembre dernier, Marie décroche la douzième place en individuel et la quatrième place par équipe, aux championnats d’Europe. À deux points de la médaille d’argnet, et un point de la médaille de bronze, en équipe, la médaille en chocolat laisse un goût amer. L’ambiance, la solidarité, l'effervescence. Elle garde pourtant un bon souvenir des championnats. Sur les images, elle foule les pointes le sourire aux lèvres. "Avant la compétition, entre toutes les équipes et toutes les catégories, nous ne faisions plus qu’un. J’aime cet esprit collectif. L’année prochaine j’espère faire partie de la sélection et cette fois, avec une médaille.”
Une double-vie entre médecine et sport de haut-niveau
À l’entraînement comme à l’hôpital, Marie avale les kilomètres. En parallèle de sa carrière sportive, la jeune athlète poursuit avec succès ses études en médecine, optant pour une spécialisation en Médecine Physique et de Réadaptation (MPR). L’analyse du mouvement n’a plus de secrets pour elle. Avec cette spécialité, elle combine sa passion pour le sport avec son désir d'aider les autres. C’est ce désir qui l’animait tant pendant ses études. La compétition est monnaie courante pendant les premières années de médecine. La jeune interne au CHU de Brest canalise quant à elle son esprit de compétition dans ses entraînements. “Je pense que tout le monde a un esprit de compétition. Si tu ne fais pas de sport à côté, il ressort dans la médecine.”
Grâce au mi-temps accordé pendant un an par son université, l'hôpital et l’ARS, avec les Jeux olympiques en ligne de mire, elle peut continuer librement ses entraînements. Sur un mi-temps, elle valide un semestre par année. En plus de ses 20/25 heures hebdomadaires à l'hôpital, Marie s’entraîne entre sept à dix fois par semaine, soit 120/150 kilomètres. Freinée par sa blessure, dès le mois de mai, elle travaillera de nouveau à temps complet. Elle continuera de bénéficier d'aménagements mis en place pour les sportifs par l'UBO. C’est le rythme qu’elle avait adopté durant le précédent semestre. Non sans embûches. “Quand j’étais à temps complet, j’ai vu mes limites. J’étais pas loin du burn-out à vouloir tout faire. Je ne trouvais plus de plaisir à courir trop souvent. Parallèlement, quand je ne courais pas, je n’étais pas non plus satisfaite. C'est quand même un moyen d’évasion.”
Pourtant, la Paimpolaise ne s’imagine pas mettre en parenthèse ses compétitions, ni ses études. “Je me pose la question tous les jours. C’est compliqué d’arrêter après autant d'investissement. Je continue de faire les deux. J’essaye d'arrêter de me fixer des objectifs trop élevés et de moins me comparer.” Doucement, mais sûrement, c’est son credo. Il lui reste à minima trois années d’études, jonglant entre le sport et l’hôpital. Par l’intermédiaire d’Xperience Sport, l’étudiante en médecine et sportive de haut niveau espère pouvoir partager et échanger sur le sport santé, son domaine d’expertise.