Au large avec Julia Virat, alpiniste et navigatrice !
Navigatrice ET guide de haute montagne, c'est la vie trépidante que Julia Virat a choisi de mener ! Entre cimes et grand large, elle raconte comment elle fait le lien entre deux mondes extraordinaires, livrant à la fois ses doutes et ses fiertés, pour impulser confiance en soi, résilience et acceptation chez les autres.
ENTRETIEN AVEC JULIA VIRAT
Bonjour Julia, pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Julia Virat, j’ai 41 ans et j’ai un double parcours dans l’aventure ! J’ai d’abord vécu une première vie à la montagne où je travaillais comme guide de haute montagne. J’emmenais les gens faire de l’alpinisme, de l’escalade, du ski, et toutes les disciplines que l’on peut pratiquer en haute montagne. Ensuite, j’ai pris un virage vers la mer et la course au large, et je suis aujourd’hui skipper d’un bateau de course !
Lorsque ma vie était dédiée à la montagne, j’ai eu la chance de faire beaucoup d’ascensions en solitaire, et j’aspire maintenant à un autre type de course en solitaire, cette fois à la voile.
Je suis également la marraine d’une association qui fait de l’éducation à l’environnement pour les jeunes et qui s’appelle "For my planet". Je profite donc de ma visibilité pour mettre en avant leur message grâce à mon projet de voile.
Peux-tu, justement, nous parler de ce projet à la voile ?
Le projet à la voile c’est un projet sur plusieurs années. Il a commencé en 2023 avec l’acquisition d’un bateau de course, un class 40. Il s’agit d’un bateau de 40 pieds qui parcourt le globe sur des courses transocéaniques telles que des transatlantiques ou des tours du monde !
Mon objectif avec ce bateau, c’est de participer à la route rhum en 2026. Il s’agit d’une course transatlantique en solitaire. Seulement, pour y participer, je dois remplir tout un programme de course sur les années à venir, avec notamment, la transat Jacques Vabres et quelques autres courses plus courtes pour me préparer.
Comment as-tu switché de la montagne à la mer ?
J’avais déjà très envie de m’engager en mer, mais c’était vraiment difficile de franchir le cap. Je suis tombée par hasard sur un livre de Christophe André, un psychiatre assez connu, dans lequel il posait la question suivante : "Que feriez-vous si vous deviez mourir demain ? Pas vraiment demain, mais disons dans trois ans ? Ne réfléchissez pas, répondez.". J’ai fermé le livre, et je me suis dit : "J’achète un bateau !". J’aime beaucoup cette échéance de trois ans parce qu’elle laisse juste le temps de réaliser quelque chose d’important, elle ne met pas dans une situation d’urgence qui nous ferait gaspiller le peu de temps qu’il nous reste. C’est ce qui m’a permis, spontanément, de sonder ce qu’il y avait au fond de moi et de savoir où je voulais aller. Je trouve que c’est une question qui amène à être très juste avec soi-même.
Aujourd'hui tu es conférencière et tu interviens dans des entreprises, peux-tu nous parler de tes thématiques d'intervention ?
Alors les thématiques d'intervention que je peux aborder en conférence sont très nombreuses puisque je me sers de ma double expérience en montagne et en mer. Le fait d’avoir changé d’orientation sur le tard, à presque 40 ans, pour passer d’un sport de haut niveau à un autre permet de mettre en valeur un grand nombre de sujets. Aussi, le fait d'être une femme dans des milieux plutôt masculins, à la fois en montagne et en mer, permet d’aborder une autre dimension.
Mes conférences sont donc axées sur l'inspiration et la motivation pour les équipes mais également la qualité de vie au travail, l’alignement avec soi-même, sa propre réalisation, etc. J'y aborde des sujets sur la confiance en soi et le fait d’oser dépasser les barrières et s’affranchir des normes. Je propose également des axes de réflexion et des clefs en ce qui concerne la gestion des risques, l'incertitude, le stress, etc. Ce sont des thèmes que j'ai eu l’occasion de beaucoup développer en haute montagne, notamment. Enfin, j’ai un axe de conférence qui traite des thèmes de la mixité et de la diversité, et également tout ce qui concerne la conduite du changement, un pan de ma vie très parlant.
Chez Xperience Sport, nous sommes très sensibles et engagés sur les questions de RSE, que penses-tu pouvoir apporter à des collaborateurs d’entreprise lors de tes interventions (conférences, expériences sportives) ?
Je pense que je peux apporter une sorte d’effet miroir ! Je ne souhaite pas me mettre en avant pour briller, je souhaite apporter mon expérience et les leçons que j'en ai tiré pour que les gens puissent s’identifier, et s’approprier ce qu’ils en retiennent. Mon parcours en haute montagne, et maintenant en course au large, peut permettre aux gens qui m’écoutent de se servir de mes clefs pour réaliser leurs propres challenges et atteindre leurs propres objectifs ! Ces interventions donnent un visage humain et authentique à toutes les grandes expériences sportives que j’ai vécues, en montrant que chacun peut trouver la force d’arriver là où il souhaite aller, peu importe ce qu'il vit au quotidien.
En parlant d’expérience sportive, pourrais-tu nous raconter une anecdote relative à ton parcours de sportive et aventurière, que l’on pourrait transposer en conseil pour une entreprise ?
Je crois que j’en ai une à vous raconter ! Elle raconte un cheminement mental au pied d’une falaise… En 2018, je me lance dans l’une des plus grandes réalisations sportives de ma vie, en escalade. Dans le parc du Yosemite aux USA, je m’apprête à faire une très grande ascension en solitaire puisque je pars pour 11 jours dans la paroi, sans assistance. Je dois donc escalader, hisser mes affaires, et ce, plusieurs fois par jours. Juste avant de partir, je suis seule au pied de cette grande paroi d’El Capitan, très impressionnante, très connue, qui fait plus de 1000 mètres, en dévers, et je suis bloquée. J’ai beau être prête techniquement, je suis affolée, paniquée par tout ce que j’ai à faire. Je suis dans une émotion pure, complètement décorrélée de mes capacités concrètes à escalader. Au pied de cette paroi, je ne suis que terreur. Je ne souhaite qu’une chose : trouver un alibi pour pouvoir partir, rentrer en France et ne pas avoir à faire cette ascension.
Seulement, dans le même temps, je reprends doucement le fil de mes émotions et réalise que je les connais et que je travaille avec depuis 20 ans. Je fais alors de la place à cette peur et je me lance. Je lui laisse de la place tous les jours, je grimpe avec elle à mes côtés, j’accepte qu’elle s’invite dans mon ascension. Finalement, je me retrouve littéralement avec moi-même, et j’atteins le haut de ce mur 11 jours plus tard. J’ai dû pleurer souvent pour évacuer toutes les émotions négatives, mais aujourd’hui je réalise que cette aventure a été l’une des plus fondatrices de ma vie ! Cette épreuve a été très structurante dans mon parcours, et pourtant, si on m’avait demandé, au pied de ce mur, ce que je voulais faire, j’aurais répondu sans hésiter "partir en courant !".
J’aime beaucoup raconter cette expérience car je pense qu’elle est utile. Personnellement, lorsque j’ai peur parfois, je me remémore ce moment de tétanie et la réussite qui en a découlé. Se servir de cette expérience est une manière de dire qu’il faut accepter ses émotions, et réaliser que ce n’est pas ce qui nous arrive qui nous constitue mais ce que l’on en fait !
Quel est le conseil phare, le leit motiv, la phrase inspirante de Julia Virat ?
Il y a une phrase que j’aime beaucoup et qui dicte beaucoup de choses dans mes aventures. Il s’agit d’une citation de Jean-Louis Etienne, un médecin aventurier qui a vécu de grandes aventures dans des environnements extrêmes, et qui dit : "On ne repousse pas ses limites, on les découvre.".
J’aime beaucoup cette phrase car elle dit beaucoup de nos façons de nous comporter avec nous-mêmes. Nous avons tous tendance à nous fixer des limites et à ne pas les dépasser. Moi j’ai plutôt tendance à dire que nos limites sont finalement beaucoup plus loin que ce que l’on imagine. Nos limites, nous devons aller les chercher, s’en approcher, pour atteindre un terrain de jeu beaucoup plus vaste dans la vie ! Nous ne sommes pas limités par nos limites !
Nous arrivons presque à la fin de cette interview, en quelques mots, pourquoi une entreprise devrait réserver une expérience sportive avec Julia Virat ?
Je crois que je peux apporter le regard authentique et sans trucage ni fioriture d’un parcours dans des environnements extrêmes, avec beaucoup d’humanité. J’aime parler avec beaucoup d’honnêteté de ce que j’ai vécu et de la façon dont j’ai dépassé tous les obstacles qui se sont mis en travers de mon chemin. Tout cela est finalement assez loin de l’image que l’on a tendance à refléter au grand public ou sur les réseaux sociaux. Ce qui semble être brillant n’est en fait qu’un parcours de vie très complexe, avec beaucoup de difficultés. C’est tout ce parcours là que je partage.
Je viens d’un métier, celui de guide haute montagne, dans lequel j’aime partager avec les gens, les amener dans mon univers, et leur raconter comment on y vit. C’est la même chose lors d’une conférence, j’embarque les gens avec moi dans des univers qui font rêver, pour parler de différents thèmes !
Nous avons une rubrique chez Xperience sport qui se nomme "l’épreuve du champion", dans laquelle nous racontons un coup dur de la vie d’un champion. Peux-tu nous partager le coup dur qui a marqué ton parcours de championne, et qui pourrait inspirer ceux qui nous lisent ?
Je pense à un coup dur en particulier : le démâtage de mon bateau en 2023. Nous sommes donc en 2023, l’année durant laquelle j’ai enfin pu, grâce à des investisseurs, créer une société qui a acheté un bateau de course duquel je suis devenue le skipper. Lors d’une grande navigation en solitaire au mois de novembre, après plusieurs jours de navigation sans embûche, je me suis retrouvée dans des conditions de vent assez fort avec une mer bien formée, et soudainement, le bateau a démâté. Le mat a complètement implosé, il est tombé à l’eau, et a arraché tout ce qui était accroché sur son passage. Encore retenu par les voiles et les cordages, le mat tapait contre la coque du bateau, ce qui engendrait un danger supplémentaire. Moi, j’étais toute seule dans ces conditions. Il a donc fallu réagir très vite. Il a fallu comprendre ce qu’il se passait, et ensuite prendre les bonnes décisions pour sauver le bateau et éviter de me mettre en danger moi-même.
J’ai donc dû couper tout ce qui retenait le mat au bateau, puis j’ai regagné le port le plus proche grâce au petit moteur qui permet habituellement de faire des manœuvres. Cette expérience a été traumatisante, j’ai vu les dégâts considérables sur mon bateau, et tout ce qui était à reconstruire. Mon bateau de course, sans mat, sans ses voiles, sans ses cordages, n’avait plus aucune valeur…
Vivre un démâtage n’est pas une situation facile, surtout en solitaire, mais le plus difficile vient après. Je m’étais engagée avec des investisseurs pour créer une société, acheter ce bateau et le mettre à flots, et l’après devient une sacrée épreuve ! Il faut batailler avec les assurances, les devis, les prestataires, retrouver l’historique du bateau pour tenter de lui redonner vie ! Aujourd'hui, j’aime me dire qu’il s’agit d’un nouveau défi à relever, qui m’oblige à faire preuve de résilience et à accepter de repousser les objectifs que j’avais en tête. Le chemin est complètement différent, il va se dessiner. Je ne sais pas encore à quoi il va ressembler mais tout ce que je peux faire, c’est mon mieux ! En attendant je donne mon maximum pour faire les choses bien et pour les faire en adéquation avec mes valeurs !